Profil d'architectes : Rem Koolhaas

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C'est hier, le lundi 17 novembre 2014, que le célèbre starchitecte Rem Koolhaas célébrait son 70e anniversaire. Comme ce fut le cas pour les fêtes de Renzo Piano et du Corbusier, nous trouvions qu'il s'agissait donc d'une occasion en or de retourner dans le temps pour apprécier certains des projets les plus brillants et spectaculaires du portfolio colossal de l'architecte néerlandais., considéré par plusieurs comme l'architecte le plus important des deux dernières décennies, mais aussi le plus controversé.

Il est difficile d'imaginer que Rem Koolhaas n'a pas toujours voulu être un architecte! En effet, bien que plusieurs membres de sa famille étaient liés de près ou de loin au domaine de l'architecture, le jeune Koolhaas préfère suivre les traces de son père et devenir un scénariste, écrivant quelques textes et travaillant comme journaliste. Ce n'est qu'à 24 ans, suite à une conférence sur le cinéma qu'il donne à un groupe d'étudiants en architecture de l'Université de Delft, que la vocation l'appelle. Le reste appartient à l'histoire : il réalise ses études à la fameuse AA de Londres, puis à Cornell et, finalement à l'Institute for Architecture and Urban Studies de New-York. C'est à cette époque qu'il réalisera ses essais théoriques les plus célèbres, véritables pierres fondatrices de sa pratique, comme Delirious New-York. Il fonde ensuite à Londres en 1975 OMA (Office for Metropolitan Architecture) , un bureau qui compte aujourd'hui cinq sièges sociaux (Rotterdam, New-York, Hong Kong, Doha et Beijing), une division théorique (AMO) et plus de 300 employés. Le travail de Koolhaas et de OMA est cité par la majorité de ses contemporains comme étant un modèle d'innovation et d'excellence. Cette excellence est d'ailleurs reconnue officiellement puisqu'il a reçu les deux plus hautes distinctions de la profession : le Prix Pritzker en 2000 et le lion d'or de la Biennale de Venise en 2010. Il était d'ailleurs le commissaire principal de la dernière Biennale qui avait lieu au cours des derniers mois.

Partons donc à la découverte des projets impressionnants de l'enfant terrible de l'architecture contemporaine, dans un ordre déchronologique qui nous permettra de retourner à ses sources.

Siège social du CCTV (Pékin, 2004-2009)

(Creative Commons attribution : leniners)

Le projet du siège social de la China Central Television (CCTV), réalisé entre 2004 et 2009 dans la foulée des jeux olympiques de Pékin, est très certainement un des projets les plus controversés mais aussi un des plus impressionnants parmi tous ceux que Koolhaas a imaginé. Ce véritable colosse, qui s'élève à plus de 234 mètres et qui présente un porte-à-faux spectaculaire, à quelque chose de surréaliste, d'impossible, ne serait-ce que dans les proportions gigantesques de ce dernier. Il s'agit en fait de la concrétisation des essais théoriques de Koolhaas sur la notion de Bigness, qu'on pourrait traduire par le pouvoir de l'immensité. Pour construire ce titan improbable, OMA a collaboré avec les esprits créatifs des ingénieurs d'Arup, sous la supervision de Cecil Balmond, le génie de l'ingénierie contemporaine. 

La forme géométrique du bâtiment qui dessine une boucle continue, simple et monolithique, a ainsi été striée d'une succession de lignes obliques qui forment la structure, rigidifiant les étages tout en créant un motif dynamique aux dimensions urbaines, gigantesques. Sous cet éclairage de nuit dramatique, le projet a un aspect envoûtant, qui soulève les passions. Il pousse l'architecture à son état limite, dans une zone encore très peu explorée. Il a ainsi été sujet à plusieurs débats et controverses. Certains ont critiqué la forme anormale du bâtiment, la comparant à une paire de pantalons, alors que d'autres ont apprécié l'audace du geste; certains ont craint pour la sécurité d'un bâtiment de ce genre dans une zone sismique alors que d'autres ont applaudi au défi relevé. Une chose est sûre, ce projet ne laisse personne indifférent : n'est-ce pas l'objectif utile de l'Architecture?

(Creative Commons attribution : Nathaniel McMahon)

Casa da Música (Porto, 2005)

(Creative Commons attribution : Clara Alim)

L'histoire de la conception de la Casa da Música à Porto est légendaire parmi la communauté architecturale. Dans le cadre de son élection comme Capitale européenne de la Culture, en 2001, la ville portugaise décide d'organiser un concours d'architecture pour la conception d'une nouvelle salle de concert. À cette époque, OMA, l'agence de Koolhaas, travaillait sur un projet résidentiel aux Pays-Bas qui ne fut jamais concrétisé. Ils ont eu ainsi l'idée un peu folle—mais aussi géniale!—de reprendre la même volumétrie du projet abandonné, en grossissant l'échelle bien évidemment, pour concevoir leur salle de spectacle. Le salon familial est ainsi devenu le hall de la salle de spectacle, et etcetera! En résulte ainsi un projet hypnotisant, qui joue avec les échelles et semble se dérober à toutes les idées préconçues de l'architecture : un véritable ovni au cœur de la ville!

(Creative Commons attribution : Miguel Vicente Martínez Juan)

Bien que la salle de spectacle soit une version mise à l'échelle d'un projet résidentiel d'origine, il reste que les architectes chez OMA ont tout de même adapté les espaces intérieurs et extérieurs aux nouveaux contextes développés. Tout d'abord, une grande attention a été apportée à la connexion entre le bâtiment et l'espace urbain—un sujet de prédilection de Koolhaas—à l'aide d'un parvis urbain magistral, une réflexion sur les ouvertures et au jeu d'échelle. Ensuite, un intérêt à la matérialité a été au cœur des enjeux, à l'aide d'une série d'interventions uniques et singulières autant d'un point de vue esthétique que structurel. On remarque ainsi sur la photographie l'utilisation d'une saisissante paroi de verre ondulée et d'un revêtement magistral de céramiques peintes, un clin d'œil aux Azulejos, des carreaux décorés issus de l'architecture traditionnelle portugaise.

Bibliothèque centrale de Seattle (Seattle, 2004)

(Creative commons attribution : Stevekeiretsu)

Le projet pour la bibliothèque centrale de Seattle, réalisé en collaboration avec le cabinet américain LMN Architects, est un autre projet idiosyncratique de Koolhaas qui a changé la manière que les architectes pensent et conçoivent leur projet. Au lieu de suivre le cycle classique de la conception d'un projet, c'est-à-dire d'étudier le contexte et les besoins, dessiner une forme harmonieuse et efficace et finalement de développer les espaces et les détails, il a choisi de brouiller les cartes et de repenser la manière de faire l'architecture. Réinterprétant l'adage moderne Form follows function, l'équipe d'OMA a travaillé uniquement en schémas et diagrammes fonctionnels, dans un espace complètement virtuel et imaginaire. Ils ont ensuite moulé les espaces sur ces diagrammes, générant une forme libre et abstraite, non-conventionnelle. Par ailleurs, le revêtement extérieur du bâtiment, entièrement conçu en panneaux de verre transparents suggère la nature virtuelle, immatérielle du projet. 

(Creative Commons attribution : Brendan DeBrincat)

Encore une fois, les jeux d'échelle et la relation entre le bâtiment et la ville sont au cœur du projet. Le titre de living room - salon en anglais—qui est attribué au hall principal exprime bien ces analogies spatiales qui jouent avec nos conceptions familières : après tout, à l'échelle d'une ville, une bibliothèque n'est-elle pas un peu comme un salon public? En outre, on retrouve une série d'interventions singulières qui ponctuent et dynamisent l'espace intérieur vaste, comme un escalier-bibliothèque en colimaçon qui se déroule sur quatre niveaux, une série d'escalators insérés dans des tubes colorés, une variété d'espaces publics informels et un système de location et d'information automatisé, accessible depuis plus de 400 postes informatiques : un modèle exemplaire pour la nouvelle bibliothèque du XXIe siècle. 

Kunsthal de Rotterdam (Rotterdam, 1992)

(Creative Commons attribution : Sandra Voogt)

Pour conclure ce tour architectural d'exception, nous retournons à la genèse de la carrière de Koolhaas avec le projet du Kunsthal de Rotterdam, un musée contemporain unique qui lui a conféré un statut international et avec raison. Ce bâtiment met en scène une autre thématique importante de l'oeuvre du maître néerlandais : la conception d'un réseau de parcours interreliés qui déstabilisent notre manière d'appréhender et de parcourir les bâtiments publics. Ainsi, au lieu de suivre un schéma de circulation linéaire et contrôlé, comme la majorité des musées d'art, le projet du Kunsthal présente une série de galeries déconnectées, aux atmosphères variées, qui se connectent à l'aide d'espaces interstitiels et se parcourent de manière libre, permettant aux utilisateurs de s'inventer un parcours personnel, au fil de ses désirs. Par ailleurs, il faut noter l'utilisation de matériaux bruts, au caractère industriel, qui vient perturber l'espace normalement blanc et immaculé des espaces muséaux. On découvre ainsi un plancher translucide en grillage métallique, une paroi en verre givré et un éclairage de néons dorés qui créent un espace tout à fait unique pour présenter des œuvres d'arts modernes d'une collection qui rassemble des tableaux de Monet, Gauguin et Matisse, entre autres.

(Creative Commons attribution : Naquid Hossain)

Un autre panorama unique du Kunsthal met en valeur ces espaces de circulation en gradins qui accueille une salle de conférence informelle. Encore une fois, c'est la fonction qui guide la forme, générant des volumétries uniques et inhabituelles. La découverte de chaque espace du musée provoque ainsi des réactions de surprise et d'émerveillement, comme si l'on visitait un univers étranger. 

Cette manière de concevoir l'architecture a, comme mentionné précédemment, fortement influencé les architectes contemporains. Elles sont ainsi devenus comme des incontournables du design architectural que l'on retrouve dans diverses propositions d'architectes de renommée internationale. Notons, par exemple le travail de Bjarke Ingels et de Zaha Hadid, qui ont tout deux travaillés et étudiés sous la direction de Koolhaas et qui sont reconnus de nos jours respectivement pour leur projets spectaculaires, qui questionnent l'espace public, la conception architecturale et la fabrication de formes nouvelles. Ainsi, l'héritage que Rem Koolhaas a offert à l'architecture contemporaine ne s'arrête pas uniquement à ses propres projets, aussi exceptionnels qu'ils puissent être, mais bien à la création d'une nouvelle génération de penseurs et d'architectes. 

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